Virginie a vécu coup sur coup deux désillusions avec le Forem. Des formations non reconnues par le milieu scolaire en Belgique, et surtout un règlement obscur qui l'a empêchée de trouver un travail via un des nombreux plans d'activation de chômeurs en Wallonie. Ces deux problèmes se sont révélés être indépendants du Forem qui tente de faire au mieux avec les moyens qui lui sont alloués.
Début février, Virginie Balon venait d’apprendre qu’elle ne rentrait pas dans les conditions pour pouvoir postuler à une offre d’emploi qui l’intéressait: "A l'heure où j'écris ces mots, je ne sais pas définir les émotions qui me submergent: colère, ras-le-bol, saturation, dégoût...", nous a-t-elle écrit via notre page Alertez-nous.
En effet, c’est déjà sa deuxième désillusion avec le Forem. Elle en concluait ceci : "Je déconseille aux jeunes de suivre des études supérieures. Je leur conseille de ne pas faire de formation Forem et d'attendre deux ans afin d’obtenir toutes les aides possibles et inimaginables! Ou alors, de rester au chômage et de faire de nombreux enfants."
Un gros coup de gueule donc pour cette jeune femme de 31 ans qui vient de Luttre (Pont-à-Celles), au nord de Charleroi. Voici son parcours.
Licenciée, elle entreprend une formation Forem
En septembre 2007, elle sort diplômée de la Haute Ecole Lucia de Brouckère de Jodoigne. Un baccalauréat, anciennement appelé graduat, d’éducatrice spécialisée en accompagnement psycho-éducatif. Elle trouve directement de l’emploi, commençant un CDD dans une maison de repos dès octobre. Puis elle trouve un CDI dans un internat scolaire, où elle travaille pendant 5 années. Mais en 2013, elle est licenciée et la galère commence: elle ne parvient plus à retrouver un emploi dans son domaine.
Loin de baisser les bras, elle entreprend en 2014 une formation Forem en bureautique, pour apprendre à utiliser Microsoft Word et Outlook. Puis en septembre dernier, elle reprend des études. "J'entreprends de suivre un baccalauréat en assistante de direction", explique-t-elle. "Je demande donc des dispenses dans les domaines où j'ai déjà suivi une formation au Forem. Et là, stupeur, les formations du Forem ne sont pas reconnues."
Les Hautes Ecoles ne reconnaissent pas les formations Forem
Première désillusion pour Virginie, à laquelle nous avons confronté Stéphanie Wyard, la porte-parole du Forem. "Les formations Forem sont qualifiantes, mais on est sur de la formation d’adultes, pas de l’enseignement. On n’est pas sur la même base de cursus" explique-t-elle.
Il y a en effet plusieurs différences notables qui expliquent pourquoi les formations Forem ne sont pas "compatibles" avec les crédits accordés aux cours scolaires. "Nos formations durent 3 ou 6 mois alors qu’à l’école, cela peut être réparti sur 3 ans, et on ne poursuit pas le même objectif. Ici, c’est une qualification supplémentaire qui permettra de postuler à certains types de jobs" en fonction du niveau d’études préalable des candidats. En clair, les formations Forem "ne changent pas un diplôme. Elles permettent juste de rajouter une ligne de compétence à un CV."
Stéphanie Wyard le concède, "ce serait plus facile" si les écoles belges reconnaissaient les formations du Forem. Mais l’institution wallonne a déjà fait beaucoup pour travailler main dans la main avec le monde scolaire. "Il y a clairement encore des champs à défricher. Mais on voit que les programmes d’enseignement s’adaptent déjà à nous. On reçoit énormément d’étudiants et d’enseignants. A Houdeng par exemple, des enseignants viennent faire classe chez nous en mécanique ou carrosserie car nous disposons des voitures électriques dernier cri alors que les écoles n’en ont pas les moyens."
Quant à Virginie, elle lui aurait conseillé de toute façon de conserver ces cours, puisqu’"un cours qu’on maitrise déjà parfaitement, ce sont des crédits faciles".
Passé ce problème d’équivalence des cours, et malgré avoir repris ces études supérieurs, Virginie a continué à chercher du travail.
"Surdiplômée" pour accéder à une aide à l'emploi
"Début de cette année 2016, j’ai été intéressée par une annonce pour un emploi. Mais elle spécifiait bien qu’il fallait avoir le PTP, sinon cela ne servait à rien de postuler." Le PTP étant le sigle de Programme de Transition Professionnelle, une des nombreuses mesures d’aides à l’emploi présentes en Wallonie.
"Je me suis rendue à la maison de l’emploi de ma commune, qui m’a dit de me rendre à l’Onem car ce sont eux qui fournissent le document", explique-t-elle. Il s’agit d’une attestation, que l’Onem de Charleroi lui a remise. "A l'Onem, on me remplit le papier sans aucun souci en me disant que je rentre bien dans les conditions étant donné que ça fait 2 ans que je suis au chômage. Puis je dois me rendre au Forem afin d'obtenir le fameux sésame. Et là stupeur: je ne rentre pas dans les conditions du Forem étant donné que pour eux, je suis surdiplômée !"
La dame à qui elle a parlé au Forem lui a en effet expliqué qu’elle pouvait faire la demande, mais que pour cette offre d’emploi spécifique, le Forem bloquerait le PTP et qu’il ne recevrait pas les indemnités de la Région wallonne.
Le Forem ne décide de rien à ce niveau
Stéphanie Wyard défend le Forem dans cette histoire. "L’administration est rigide, il n’y a pas de flexibilité. Il y a des lois auxquelles on ne peut pas déroger, des textes légaux à appliquer à la lettre. Et le PTP est extrêmement réglementé donc si on ne rentre pas dans le cadre officiel fixé", c’est le Forem qui sera pénalisé. "Je comprends bien que quand on se trouve juste à côté de la norme fixée, comme lorsqu’on a 26 ans et qu’une aide à l’emploi n’existe que jusqu’à 25 ans, c’est frustrant", compatit-elle.
Il faut aller lire les textes de loi pour découvrir les restrictions !
Et en effet, il faut creuser la réglementation de la Région wallonne pour trouver pourquoi Virginie n’a pas pu accéder à ce fameux PTP. Même lorsqu’on regarde sur le site du Forem ou celui du SPF Emploi, la jeune femme semble remplir toutes les conditions d’octroi : elle a plus de 25 ans et perçoit des allocations de chômage depuis au moins 24 mois sans interruption. Mais l’alinéa 3 de l’article 3 de l’arrêté du gouvernement wallon d’exécution du décret du 18 juillet 1997 créant un programme de transition professionnelle, daté du 6 novembre 1997, est plus précis.
Il stipule que les titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur sont admis sous certaines conditions au PTP. Les employeurs peuvent les engager à condition que la fonction corresponde au minimum au niveau de diplôme et vise à apporter une réelle plus-value en termes de compétences techniques et professionnelles au demandeur d’emploi. De plus, le demandeur d’emploi titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur ou de type universitaire ne peut être engagé que sous contrat à temps plein et pour une fonction visant à "s’inscrire dans une démarche de management de la diversité ou une démarche de recherche ou innovation", ou encore pour "tutorer" de nouveaux travailleurs.
Des critères bien plus restrictifs auxquels rien que le caractère à temps partiel de l’emploi pour lequel elle voulait postuler ne lui aurait pas permis d’avoir son PTP reconnu par la Région… et que l’Onem ne connaissait pas forcément, séparation des pouvoirs oblige : l’Onem, c’est fédéral, et le Forem régional.
"J'ai finalement trouvé un autre travail" à côté des études
Heureusement pour Virginie, elle n’est pas restée bloquée sur cet échec. "Là je suis partie pour 3 ans de formation en tant que bachelière mais j’ai trouvé un travail et je commence demain", souriait-elle lors de notre entretien téléphonique. "Un travail à temps partiel dans une école en tant que secrétaire qui me permet de continuer la formation scolaire en parallèle sans souci." Tout ce qu’elle cherchait finalement.
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