Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke s'est montré catégorique sur le sujet, le secteur de l'Horeca ne reprendra pas ses activités le 1er mars. Peut-on encore parler de coup dur pour les travailleurs du secteur ? Cette même rengaine qui se répète au fil des semaines fait ressortir un puissant malaise bien au-delà d'un simple coup dur.
Après des mois de fermeture, les témoignages d'une détresse profonde affluent. En premier lieu, les responsables du secteur et les gérants des établissements évoquent un avenir trouble et incertain en assistant impuissants à l'amenuisement des ressources financières. Dans leur sillage, les emplois de cuisiniers, de serveurs, de barmans et autres se retrouvent menacés.
De l'autre côté du comptoir ou des portes des cuisines, les chaises restent retournées sur les tables. Le silence de plomb qui règne dans les salles laisse peu transparaître un autre malaise réel : celui des clients. Leur moral est lui aussi bien entamé, comme en témoigne Wilfried via notre bouton orange Alertez-nous.
Profiter d'une retraite méritée
Pour ce Bruxellois de 83 ans, se rendre au restaurant avec son épouse constituait l'activité majeure de la semaine. Un rendez-vous que le couple ne pouvait pas se permettre avant d'avoir le temps libre de la retraite. Wilfried reproche au gouvernement de ne pas tenir compte de l'aspect psychologique que peut avoir la fermeture de l'Horeca.
Après une carrière d'indépendants bien remplie, Wilfried et Yvonne ont enfin pu jouir des plaisirs de la vie à l'arrivée d'une retraite bien méritée. "À l'époque, on n'avait pas beaucoup l'occasion de sortir, on était occupé 7 jours sur 7", se remémore l'ancien vendeur de caravanes. Un métier qui lui a apporté la satisfaction de pouvoir subvenir aux besoins de ses deux enfants.
Au moins on voyait d'autres personnes, maintenant on n'a plus rien
Mais après des décennies de labeur et les enfants échappés du cocon familial, le temps est venu de décompresser. Pourtant, le couple a le sentiment de ne plus pouvoir profiter du fruit de ses sacrifices. "C'est maintenant qu'on peut en profiter mais pour le moment, on ne sait pas beaucoup", remarque-t-il amèrement. Les jours défilent et se ressemblent trop pour Wilfried qui ne quitte désormais presque plus son foyer de Jette en région bruxelloise.
Les deux octogénaires n'avaient pourtant pas d'exigences extravagantes. Ils savaient se satisfaire de leurs sorties régulières au restaurant en toute simplicité. "Nous y allions deux ou trois fois par semaine, nous étions bien habitué". Wilfried se surprend même à se remémorer avec nostalgie ses établissements favoris : "Le French kiss à Jette, la Taverne Pol à Berchem-Saint-Agathe ou alors La Bonne franquette... Des restaurants dans le coin où on avait nos habitudes quoi". Des restaurants si proches mais une période qui paraît déjà bien lointaine.
Lointaine car après des mois sans activités, le temps semble s'allonger. Mais aussi lointaine car la proximité avec les autres a disparu. Déjà particulièrement exposés à l'isolement en temps normal, les personnes âgés subissent le contexte épidémique comme une exacerbation de la solitude : "Au moins on voyait d'autres personnes, on n'était pas seuls ici à la maison. Maintenant on n'a plus rien". Il y a bien les appels pour prendre des nouvelles de leurs deux enfants et six petits-enfants, mais la chaleur humaine n'est plus là : "On les entend au téléphone, par messages mais c'est tout. Nous n'avons plus de contacts avec personne".
Quand décrocher le tablier ?
Cet isolement inquiète Wilfried : "Nous aimerions que les restaurants rouvrent, pas seulement pour nous, pour tout le monde !" Le couple suit attentivement la situation sanitaire et les annonces du gouvernement mais peine parfois à comprendre. Wilfried avoue ne pas vraiment craindre de retrouver des contacts rapprochés en cas de réouverture des restaurants, le contact humain importe plus. Selon lui si les coiffeurs peuvent reprendre leur activité, les restaurateurs devraient aussi pouvoir reprendre du service. "Je crois qu'il y a moins de risques là que dans les salons de coiffure. C'est important aussi, je ne dis pas, mais il y a plus de risques je crois dans ce métier", estime Wilfried.
L'octogénaire voit dans la reprise de l'Horeca des avantages plus importants pour le moral que d'inconvénients en termes de risques sanitaires. Alors, en attendant le couple se contente de sa propre cuisine, même si "c'est tout à fait autre chose, dans n'importe quel plat". "Les poissons par exemple, on ne sait pas les préparer comme eux", lance-t-il comme soutien pour saluer le savoir-faire des travailleurs contraints de raccrocher leur tablier.
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