Le constitutionaliste Christian Behrendt était l'invité du RTLinfo 19H pour livrer son avis d'expert sur le refus de Theo Francken d'appliquer la décision de la cour d'appel de Bruxelles.
La décision de justice contraignait le secrétaire d'Etat à accorder un visa humanitaire à une famille d'Alep, en Syrie, qui en a fait la demande et qui a trouvé une famille pour l'accueillir en Belgique.
Michel De Maegd: D'un point de vue strictement légal, le secrétaire d'Etat et donc le gouvernement ont-ils franchi la ligne rouge?
Christian Behrendt: Je suis quand même assez préoccupé, et la ligne rouge est à mon sens franchie. À partir du moment où vous avez des décisions de justice qui vous condamnent, en l'occurrence l'Etat belge, à faire une chose, et que vous dites "cette décision je ne vais pas l'exécuter, je ne vais pas l'appliquer parce qu'elle n'est pas conforme à ma conception politique du droit d'asile", ça me pose problème.
Vous pouvez bien sûr faire un recours, en l'occurrence il sera déposé, c'est le droit le plus strict de chacun, et également du gouvernement. Mais ce qui n'est pas admissible, c'est de dégrader une décision de justice au rang de contingence (= événement imprévisible, NDLR), c'est-à-dire de la faire dépendre de votre discrétion, si oui ou non vous allez l'appliquer.
M. D. M.: Bart De Wever affirme que les juges ne font pas les lois et qu'ils doivent les appliquer. Dans cette lutte d'influence entre politique et justice, l'Etat de droit est-il réellement menacé?
C. B.: Bien entendu les juges ont pour seul rôle d'appliquer la loi. Mais c'est également les juges qui, sous le contrôle de la cour de cassation, l'interprètent. Et la cour de cassation est la gardienne de cette interprétation. En l'occurrence, le gouvernement peut faire un pourvoi en cassation devant la cour de cassation, et il a décidé de le faire. Maintenant si le contenu même de la loi est critiqué, ce que semble indiquer la déclaration de monsieur De Wever, alors son parti, qui est le plus grand du pays, peut venir avec une proposition ou un projet de loi, le faire débattre au conseil des ministres, et voir s'il y a des partis qui y adhèrent.
Pour ma part, je dois signaler que le droit d'asile est un droit qui nous lie même au niveau international, nous avons conclu des obligations internationales dans ce domaine. Donc nous sommes dans un droit assez important sur le plan de la dignité humaine. Aussi longtemps que cette loi n'a pas été modifiée, des propos qui consistent à dire que les magistrats sont déconnectés de la réalité, ce sont des propos qui me préoccupent. Vous avez là affaire à une prise de position qui présente comme erronée des applications de la loi telle qu'elle existe aujourd'hui.
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