Au lendemain des attentats les plus meurtriers qu'ait connus la France, François Hollande est confronté à un défi majeur dix mois après Charlie: affronter le terrorisme qui a pris de nouveau l'Hexagone pour cible et assurer la sécurité des Français dans un contexte de forte tension politique.
Au moins 128 morts, des images de corps allongés sur les trottoirs, des explosions et un pays qui plonge dans "l'horreur", selon ses propres mots: le chef de l'Etat a dû apparaître très vite comme le garant de la sécurité, de la solidarité nationale et du fonctionnement des institutions.
"L'enjeu pour lui, c'est de montrer que la République, l'Etat, la force sont là", a expliqué à l'AFP le politologue Jean-Daniel Levy (Harris Interactive) et donc "de montrer que le fonctionnement de l'Etat n'est pas remis en cause dans les prochains mois".
Déjà très réactif au moment des attentats de janvier, le président de la République l'a d'autant plus été vendredi soir qu'il était lui-même au coeur de la tourmente, dans l'enceinte du stade de France où il assistait au match France-Allemagne visé par des explosions. Il s'est ensuite rendu très rapidement au Bataclan, la salle de spectacles de l'est parisien où a eu lieu un véritable carnage après une prise d'otages, faisant quelque 80 morts.
Pour M. Lévy, les Français ne peuvent pas le considérer comme celui qui a failli en matière de sécurité: "Les Français dans leur for intérieur savaient que, quels que soient les moyens déployés, cela recommencerait", a-t-il dit, en référence aux attentats commis en janvier dans la capitale, notamment contre Charlie Hebdo, qui avaient fait 17 morts.
Hollande "confronté à ses choix diplomatiques"
D'autant que, relève-t-il, "François Hollande n'est jamais aussi bon que quand il donne le sentiment d'être en empathie avec les Français".
Outre la sécurité des Français dans la vie de tous les jours, François Hollande va devoir assurer la sécurité de la COP 21, où sont attendus des dizaines de chefs d'Etat et de gouvernement ainsi que 20.000 visiteurs par jour. Pour M. Lévy, "l'annulation de la COP21 serait le plus mauvais signe qui serait donné".
Quant à son action internationale dont les frappes en Syrie, "jusque là, elle a été plutôt appréciée". Il n'y a "pas de critique massive de son action", dit-il, soulignant la popularité à la fois de Laurent Fabius aux Affaires étrangères et de Jean-Yves Le Drian à la Défense.
Néanmoins, pour le politologue Jérôme Sainte-Marie (Polling Vox), le président est "confronté à ses choix".
"En apparence, il est conforté par la gravité des événements qui provoquent un réflexe immédiat de solidarité de l'opinion", dit-il, mais "il est aussi confronté à ses choix antérieurs: +fallait-il détruire ou approuver la destruction des Etats arabes libyen et syrien?" demande-t-il.
"A mon avis, l'effet de retour peut être très douloureux pour le chef de l'Etat aujourd'hui", ajoute l'analyste. "Autant dans l'épisode de janvier, ça pouvait être très favorable au chef de l'Etat, autant là, peut-être que la répétition des choses peut provoquer une réflexion politique sur les choix élyséens et des critiques, d'une part sur l'efficacité de la prévention, mais également sur l'aspect diplomatique".
"Ca devient difficile pour lui", ajoute-t-il, tout en estimant que l'organisation de la COP21 ne devrait pas être un défi majeur, alors qu'il a "montré" en janvier qu'il "était capable d'improviser la venue de dizaines de chefs d'Etat".
Autre défi: dans trois semaines, les 6 et 13 décembre, le président devra aussi affronter la tenue d'élections régionales que les sondages prédisent très difficiles pour la majorité.
"Compte tenu de l'impopularité du chef de l'Etat, de la réitération des choses, cet événement profite directement et massivement au Front national", prédit déjà M. Sainte-Marie. "Ca valide son diagnostic, ses thèses, sa vision du monde. Le réflexe légitimiste contre le FN pourra exister éventuellement à la marge, mais sera incroyablement limité", estime-t-il.
Vos commentaires