Le 26 janvier dernier, Eric, habitant de Namur, promenait son chien lorsque ce dernier a été attaqué par un American Staff qui n'était pas tenu en laisse. Malheureusement, le propriétaire de l'animal, pourtant pucé, n'a pas été retrouvé. Saisi par la police et placé en refuge, le chien sera finalement mis à l'adoption. Nous vous expliquons pourquoi.
"Je sortais mon chien comme d'habitude le long du halage et un chien sans laisse, un American Staff, nous est rentrés dedans", nous confie Eric, habitant de Namur. C'est l'une de ses amies qui a poussé le bouton orange Alertez-nous pour nous prévenir de cette attaque survenue le 26 janvier dernier.
Il a pris mon chien à la gorge, impossible de le retirer de son cou… Ça a duré 20 minutes
Encore sous le choc, Eric nous raconte les faits. "Il a pris mon chien à la gorge, impossible de le retirer de son cou… Ça a duré 20 minutes." Le maître tente tout pour sauver son animal. "J'ai shooté dans l'American Staff. Au bout de 10/12 min, un couple est passé et je leur ai demandé d'appeler la police. Les deux personnes qui accompagnaient le chien sont parties en courant. Ils m'ont laissé tomber alors que leur chien était encore sur la gorge du mien." Lorsque la police arrive sur place, ils parviennent enfin à séparer les animaux… mais il est malheureusement trop tard. "On est allé à la clinique vétérinaire à Erpent, mais Boy était mort. Le chien lui a percé l'artère de la veine jugulaire. Il est mort étouffé." Boy aurait eu 8 ans au mois d'août. Pour son maître, il ne s'agissait pas d'un chien méchant. "On vit près d'une école. Je le sors tous les jours et il n'a jamais mordu personne."
Eric a porté plainte à la police qui a tenté de retrouver le propriétaire de l'American Staff… en vain. "Il est pucé, on sait qu'il appartient à une dame mais apparemment, elle n'aurait pas de domicile. Je pense que c'est un chien de concours, cela ne m'étonnerait pas. Un des policiers qui a assisté à la scène m'a dit qu'il n'avait pas dormi non plus après l'attaque." Le cabinet du bourgmestre Maxime Prévot nous a confirmé que le chien était bien pucé, mais "la personne à qui il appartient ne répond plus au téléphone et n'est plus domiciliée sur notre territoire", explique Sabine Vandenbroucke, directrice de cabinet. "Est-ce qu'il a été volé ? Est-ce qu'elle l'a abandonné ? On ne sait pas. On a tout mis en œuvre pour retrouver le propriétaire mais impossible." Elle ajoute également que les circonstances sont pour le moins "étonnantes" puisque les deux personnes qui promenaient le chien ont "disparu dans la nature".
Même si rien n'effacera sa peine, Eric souhaite que le chien qui a attaqué Boy soit euthanasié et que son propriétaire soit puni. "L'argent n'a pas d'importance, ce n'est pas ça qui va me rendre mon chien."
Que deviendra le chien agresseur ?
Que se passera-t-il pour le chien et son propriétaire ? Intéressons-nous d'abord à l'animal. La Ville de Namur nous explique que le chien a été directement saisi par la police "et transmis au refuge de la Croix Bleue de Floriffoux avec lequel nous avons établi une convention depuis quelques années déjà." Cette convention prévoit que chaque animal amené au refuge doit faire l'objet d'un "rapport circonstanciel et d'un avis écrit de deux vétérinaires distincts quant à l'état de dangerosité de l'animal et son évolution probable". Sabine Vandenbroucke nous confie que selon ces analyses, il sera décidé ou non de l'euthanasie du chien agresseur.
Concernant cet American Staff qui a attaqué Boy, les rapports sont positifs. "Dans sa cage, le chien ne détruit pas, son panier et sa couverture restent intacts. Il arrive au chien d'aboyer sur un voisin, mais sans montrer de signes d'attaque. Il a un comportement qui peut être brusque, mais sans intention de faire mal." Cependant, l'animal en question n'est pas castré et il y aurait "une certaine énergie de sa part de ce côté-là". La direction du refuge et les vétérinaires estiment donc que le chien "mérite de retrouver une famille", mais à certaines conditions.
Tout d'abord, il devra être castré. "C'est un chien qui doit être candidat à la castration pour adoucir son caractère. Il devra avoir un maître qui pourra canaliser ses émotions et le corriger si besoin. Le choix se portera vers un adoptant qui n'a pas d'autres animaux, qui a une propriété clôturée, qui est conscient de son caractère dominant et des risques qu'il pourrait occasionner vis-à-vis d'autres chiens."
La directrice du cabinet du bourgmestre Maxime Prévot nous l'assure : "Si on fait adopter ce chien, il devra y avoir des règles très strictes et un environnement sécurisé". "Et je pense que le centre sera très vigilant à l'historique de l'adoptant : est-ce qu'il sait gérer un chien, est-ce qu'il est ferme, est-ce qu'il est bien conscient qu'il devra poursuivre l'éducation de ce chien dans un centre d'éducation agréé ? C'est assez encadré."
Que risque le propriétaire du chien ?
Si le propriétaire du chien agresseur est retrouvé, que risque-t-il ? Pour qu'il soit sanctionné au niveau pénal, il faudrait qu'une infraction ait été commise. "Au niveau régional, la loi sur le bien-être animal interdit de blesser ou de tuer sans raison un animal. Elle punit donc les actes volontaires commis par un être humain. C’est le cas où un maître ordonne à son chien d’en tuer un autre lors d’un conflit ou d’un combat par exemple. Il faut alors prouver l’intention du propriétaire, ce qui n’est pas toujours évident", explique Stéphane Herbay, substitut au parquet de Namur.
Qu'en est-il d'une sanction au niveau communal ? Là aussi, il faut que le propriétaire du chien agresseur soit retrouvé, ce qui n'est pas le cas ici. Le règlement général de police de Namur indique que "tout chien circulant sur la voie publique ou tout autre lieu accessible au public doit être tenu en laisse et la longueur de celle-ci ne peut excéder deux mètres" et "tout chien considéré comme dangereux circulant sur la voie publique ou tout autre lieu accessible au public doit porter une muselière".
La commune a dressé une liste de races de chien considérées comme dangereuses et l'American Staff en fait partie. Tout chien qui montre une agressivité susceptible de présenter un danger pour des personnes, des animaux domestiques et des biens est également reconnu comme tel. "À la Ville de Namur, on a ce qu'il faut pour encadrer une telle situation qu'on espère voir le moins souvent possible parce que les maîtres doivent être responsables lorsqu'ils adoptent un chien dangereux", ajoute Sabine Vandenbroucke.
Par ailleurs, le maître d’un chien qui attaque une personne ou un autre animal risque d’être poursuivi au niveau civil. "Au niveau du droit civil, il y a un article qui règle la question de la responsabilité du fait des animaux. Il prévoit que le propriétaire d’un animal ou son gardien est responsable du dommage causé par l’animal", explique l’avocat Martin Favresse. Dans ce cas-ci, ce sont donc les deux hommes qui accompagnaient le chien agresseur qui sont responsables de son comportement.
Des comportementalistes confrontées au quotidien à ce genre d'attaques
Nous avons contacté deux comportementalistes et éducatrices canin pour avoir leur avis sur cette attaque. Nathalie Mercier, de DoGce Vita, à Lasne, nous confie être confrontée à ce type d'accidents au quotidien. "Je travaille trop régulièrement de pauvres chiens qui ont été victimes d'agressions causées par des chiens non gérés et détachés." Selon Nathalie, le problème se situe avant tout dans "la responsabilité de la part des propriétaires qui n'éduquent par toujours leur chien, qui le laissent divaguer sans rappel construit, des chiens libres." En effet, Nathalie nous explique que le chien, un canidé, reste "avant tout un prédateur".
Si un maître souhaite détacher son chien lors d'une promenade, voici quelques conseils:
- "On s'assurera que le chien ait été socialisé.
- On aura éduqué son chien, notamment les gros gabarits qui auront la capacité d'occasionner de plus gros dégâts lors d'éventuelles agressions.
- On construira le rappel afin que le chien revienne sur "ordre".
- Lors de croisement d'autres chiens, on rattachera son chien ou on le rappellera au pied afin d'éviter des accidents potentiels.
- À savoir qu'un chien tenu en laisse par son maître peut être sensible et n'appréciera peut-être pas l'intrusion d'un congénère libre.
- Enfin, pour conclure, tout chien non géré et/ou en divagation peut représenter un danger potentiel."
On retrouve de nombreux chiens pas toujours éduqués en liberté
"De la sécurité et du civisme avant tout, pour le bien de chacun"
La sécurité de tous, la comportementaliste en a fait son "combat au quotidien". "On est responsable de son chien et de ses actes. De la sécurité et du civisme avant tout, pour le bien de chacun." Et le confinement n'a pas aidé. "On retrouve de nombreux chiens pas toujours éduqués en liberté", nous confie Nathalie, qui allait justement travailler un Teckel attaqué par un Bouvier Bernois non attaché, occasionnant de graves blessures chez le jeune chien qui s'en sort grâce au travail effectué. À savoir que certains peuvent occasionner des blessures physiques, mais aussi des "traumas qui peuvent laisser des séquelles psychologies chez certaines victimes".
Nathalie est contre toute discrimination raciale. "Il n'y a pas que les American Staff qui peuvent être dangereux. Ils ont en revanche des mâchoires très puissantes." Un avis partagé par Coralie Lion, comportementaliste et éducatrice canin à Waterloo. "De manière générale, je suis contre la stigmatisation des races. Tous les molosses ne sont pas méchants, agressifs ou tueurs.... Ils ont une mâchoire très puissante par contre et sont susceptibles de causer des dégâts plus importants que d'autres races en cas d'agression."
Idéalement, il faudrait décerner des permis pour détenir ce type de races molossoïdes, afin de responsabiliser les maîtres
Selon elle, le plus important est "l'éducation que le chien va recevoir". "Idéalement, il faudrait décerner des permis pour détenir ce type de races molossoïdes, afin de responsabiliser les maîtres et faire en sorte que ces chiens ne tombent pas dans les mains de n'importe qui. Le rôle de l'éleveur, notamment dans la sélection des géniteurs, est également capital. Le plus important est d'avoir des géniteurs équilibrés avec des patrons-moteurs adaptés à la vie de famille."
Un autre point important relevé par la comportementaliste est la socialisation du chien "dès son plus jeune âge" et "l'accompagnement par un professionnel afin d'enseigner les bonnes bases immédiatement". "Dans le cas présent, il faudrait savoir s'il s'agit de la première attaque ou s'il y avait d'autres signes qui pouvaient indiquer l'agressivité de l'American Staff. Auquel cas, il était de la responsabilité du maître de faire appel à un comportementaliste pour se faire accompagner et surtout de sortir son chien dans les endroits publics uniquement muselé et en laisse."
Quant à Eric, le propriétaire de Boy, et sa compagne, ils sont très affectés par le tragique événement. "On va déménager parce que ça nous rappelle trop de souvenirs. Si le chien était mort de vieillesse, de maladie… mais pas de ça", nous confie-t-il très ému. "Promener son chien devrait être un moment privilégié et de détente, pour tout binôme maître et chien. Et non devenir un moment d’appréhension, le ressenti de nombreux maîtres", conclut Nathalie Mercier.
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