Liliane est profondément choquée. Révoltée. Alors qu’elle rendait visite à son fils en prison, les gardiens lui ont fait des remarques sur sa tenue. On lui a demandé de se couvrir les bras. La quinquagénaire exige des explications.
Liliane n’est pas du genre à trainer dans les parloirs des prisons. Si elle s’y rend, presque quotidiennement, depuis un mois, c’est que son fils a un tempérament plutôt sanguin. "Il a été impliqué dans des bagarres à répétition, rien de plus alarmant" confie-t-elle. Depuis que son fils est en détention, elle a pris soin d’adapter ses tenues vestimentaires. "Je fais toujours attention à ce que je mets. C’est une prison d’hommes, avec une salle de visite remplie d’hommes. Je ne veux pas attiser les regards. Si j’y vais, je suis en pantalon et sans décolleté".
Robe longue mais épaules nues
Mais lundi dernier, il fait très chaud. "J'avais mis une robe longue, vraiment longue. Sans décolleté, mais avec des bretelles. Mes épaules étaient donc découvertes" explique-t-elle. Après la visite, une gardienne demande à parler à Liliane, en privé. C'est pour raconter cette conversation que Liliane a contacté la rédaction, via la page Alertez-nous. "Elle-même avait l’air gênée. Mais elle m’a demandé de couvrir mes épaules pour la prochaine fois. Je n’en revenais pas. Elle m’a dit que les gardiens avaient reçu différentes plaintes à ce sujet. J’étais complètement estomaquée. Elle s’est justifiée en me disant que d’autres femmes de détenus ne voulaient pas voir une femme aux bras dénudés dans la salle de visite, a fortiori en période de ramadan".
Et cela va plus loin. "La gardienne a ajouté qu’il vaudrait mieux que je le fasse, parce que mon fils pourrait en subir les représailles".
"Je me sentais violée dans mon intimité"
Liliane rentre chez elle profondément choquée. "Le soir je me suis mise à pleurer. Je me sentais violée dans mon intimité, traitée comme une fille de rue". Elle décide alors de téléphoner à la prison pour obtenir des explications. "Mais on m’a dit que je ne pouvais pas parler à la direction et on m’a transféré au chef des portiers". Le responsable des gardiens confirme que c’est bien lui qui a donné ces instructions. Et que ces instructions viennent de la direction. "Il m’a dit que d’autres femmes avaient reçu les mêmes remarques. Et que dans le passé, il y avait eu des bagarres, en salle de visite, pour des motifs similaires".
Le règlement n’est pas très clair
Liliane est retournée à la prison. "Par respect pour mon fils, j’ai respecté les consignes qu’on m’avait donné". Mais elle a tout de même demandé un exemplaire du règlement. Dedans, une seule ligne est consacrée à la question vestimentaire. Il est demandé "de porter une tenue adaptée et décente". La définition de "décente", elle, n’est pas précisée. Laurent Sempot, porte-parole de la direction des établissements pénitentiaires, a expliqué à nos confrères de la DH que "la tenue décente est celle qu’on peut qualifier communément de la sorte, tout simplement". Porte-parole qui a tenu à préciser à l'agence Belga que les fêtes religieuses n'ont pas d'influence sur le règlement: "le règlement des visiteurs précise qu'une tenue décente est exigée durant toute l'année, mais il n'y a rien de particulier en période de ramadan".
Liliane n’abandonne pas
Toujours interrogée par l'agence Belga, une déléguée syndicale de la prison de Nivelles a pris la défense de Liliane: "Je connais bien cette dame. Ce n'est pas une affabulatrice et elle porte toujours des tenues correctes. Elle a sans doute été victime de l'excès de zèle d'un agent, ou du mécontentement d'un détenu qui s'est plaint à un membre du personnel". Liliane, elle, n’abandonne pas le combat. "Je suis choquée. J’en veux à ceux qui dirigent et qui imposent ce genre de règlement. Je ne comprends qu’on fasse une règle absolue applicable à tout le monde pour ne pas choquer une minorité". Et la prochaine fois qu’elle se rendra à la prison, Liliane compte bien recueillir les témoignages d’autres visiteuses. Et faire changer les choses.
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