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Pour Pascal, les frais de retard, c’est du "vol manifeste et crapuleux": qu’est-ce que les entreprises ont le DROIT de demander?

Pour Pascal, les frais de retard, c’est du "vol manifeste et crapuleux": qu’est-ce que les entreprises ont le DROIT de demander?
 
 

Avez-vous déjà été surpris par les montants demandés en cas de retard de paiement ? C’est le cas de Pascal, 58 ans, qui nous confie avoir du mal à payer ses factures, et que ces montants qui s’ajoutent viennent encore compliquer sa situation. Nous avons fait le point avec les entreprises qui réclament des frais de retard à Pascal, pour tenter de comprendre pourquoi ces montants sont si élevés. Nous allons également voir que dans tous les cas, il y a des solutions pour éviter de se laisser "submerger" par les factures impayées.

Pascal nous a contactés depuis Braine-le-Château, dans le Brabant wallon. Cet ancien employé dans des établissements scolaires, désormais au chômage, et son épouse, pensionnée, font en ce moment face à des difficultés de paiement. "Une difficulté passagère, cela arrive à beaucoup de monde. Et une facture qui n'est pas payée en temps et heure cela occasionne des frais de retard, qui peuvent être exorbitants. La Wallonne des eaux : 4,72€. Electrabel : 5,73€. La palme d'or revenant à Proximus: 13€", nous explique le Castellobrainois, via la page Alertez-nous, factures à l’appui.


Les entreprises font un peu "ce qu’elles veulent"...

Pour ce couple qui vit avec une petite pension et une allocation de chômage, ces frais représentent une somme considérable. "Je remplirais presque un caddie", s’insurge Pascal. "Si une personne n'arrive pas à payer à temps sa facture, pourquoi lui rajouter autant de frais ? Elle sera encore plus dans la peine pour la régler. Il faudrait que ces frais soient encadrés par un texte de loi", estime-t-il, précisant qu’il s’est tout de même débrouillé pour honorer toutes ses factures.

En effet, les frais de retard en tant que tels ne sont pas réglés par une loi: "Ils dépendent du contrat entre le consommateur et l'entreprise", explique Etienne Mignolet du SPF Economie. En d’autres termes, des fameuses "Conditions générales". Des discussions seraient en cours au Parlement afin d'établir des règles plus claires, mais jusqu'ici, les entreprises ont en quelque sorte "carte blanche":  "La liberté contractuelle permet de fixer les conditions d'une offre tout comme d'autres clauses. Une entreprise est donc libre de définir les dommages qu'elle pense subir si un consommateur ne remplit pas ses obligations et ne paie pas dans les délais impartis. Et cela doit être stipulé dans les conditions générales", précise-t-il. Ceci dit, le montant des frais de rappel ne peut pas être "excessif" par rapport au montant de la facture initial, mais le caractère excessif de ce montant ne pourrait être tranché que par un juge, en cas de litige.



Des retards qui peuvent coûter cher à l’entreprise

Car ces retards de paiement peuvent effectivement engendrer des dommages pour l’entreprise: "Cela crée des problèmes de trésorerie si cela n’est pas maîtrisé", explique Benoît Moulin, porte-parole de la Société Wallonne des Eaux (SWDE), qui réclame 4,72€ de frais de rappel à Pascal. "80% de nos dépenses sont des charges fixes, le reste représente nos investissements. Nos seules recettes sont les m³ facturés. Or le prix du m³ est calculé de telle sorte que le nombre de m³ consommés, multiplié par le prix du m³, équilibre les coûts d’exploitation de la SWDE".

Les factures non-payées vont donc générer une dette, qui va elle-même entraîner une hausse des dépenses de la société: "Au bout du compte, cela se répercutera sur la facture du consommateur. Il faut savoir que le total des factures impayées représente plusieurs millions d’euros. Au final, cela pourrait mettre en péril le service public que nous délivrons et le financement de notre programme de travaux" estime le porte-parole de la Société Wallonne des Eaux.


Plusieurs euros pour couvrir les frais de retard: pourquoi ?

Mais pour Pascal, le montant demandé par les entreprises en cas de retard de paiement est exorbitant: "C’est scandaleux, l'envoi postal du rappel ne dépasse certainement pas 1,50 €. C'est du vol manifeste et crapuleux". Du côté d’Electrabel, qui réclame pour sa part 5,73€ à Pascal, il faut bien cela pour couvrir les coûts administratifs que représente le non-paiement de la facture: "Il y a toute la machine derrière, ce n’est pas seulement le papier: le personnel qui s’occupe de ça, l’impression, l’envoi des courriers", explique Anne-Sophie Hugé, porte-parole d’Electrabel. Pour ce qui est du fournisseur d’énergie, le montant de ces frais avaient été déterminés par le comité de contrôle avant la libéralisation du marché de l’énergie en 2007 et depuis, il est indexé chaque année.

Du côté de chez Proximus, le montant lié aux frais de rappel est particulièrement élevé : 13€. Un montant unique, pour "simplifier la lisibilité", nous explique-t-on. Le but étant toutefois d’éviter les frais aux clients en faisant d’abord des rappels gratuits: "Une batterie d’outils sont de ce fait employés avant l’envoi d’un premier rappel payant : un sms indiquant que la facture vient à échéance pour les clients disposant d’un abonnement mobile, un premier rappel de paiement gratuit 7 jours après la date d’échéance pour les clients titulaires d’un abonnement de téléphonie fixe (voix ou internet)", détaille Frédérique Verbiest, porte-parole de l’opérateur de télécommunications.


Quel délai?

Si les entreprises peuvent fixer le montant des frais de rappel qu’elles réclament, elles peuvent aussi fixer le délai de paiement. "La loi ne prévoit pas de délai minimum mais il est admis que le délai mentionné aux conditions générales ne peut raisonnablement pas être trop court", explique Etienne Mignolet du SPF Finances. (Voir plus bas pour consulter les délais d'envoi de rappels pour les entreprises mentionnées dans cet article)


Ne pas se laisser submerger: il existe des solutions!

Mieux vaut donc éviter de payer ces frais coûteux, tant pour le client que pour l’entreprise. "Dès que la personne sent qu’elle va être en difficulté de payer sa facture, qu’elle prenne rapidement contact avec nous, pour éviter de tomber dans le système de rappels et de mise en demeure, pour dès le départ trouver une solution constructive via un plan de paiement concret et réaliste, c’est important de ne pas attendre d’être submergé", explique Anne-Sophie Hugé d’Electrabel. Pour les clients qui se trouvent en situation de précarité énergétique, Electrabel peut travailler directement avec le CPAS. "On se rend compte souvent qu’il y a un manque d’information, que les clients ne savent pas à qui s’adresser". Pour plus d’informations, contactez ce site internet.

La Société wallonne des Eaux aussi, exhorte les consommateurs à la contacter. Il existe non seulement des solutions en cas de pépin occasionnel: "Il suffit au client qui le souhaite de nous contacter et de demander quelques jours de délai supplémentaires", explique Benoît Moulin. Mais la SWDE accorde aussi, sur simple demande, des plans d’apurement (www.swde.be pour plus d’informations).

Pour ce qui est de Proximus, la société invite également à les contacter. "Ces demandes sont systématiquement analysées par nos collaborateurs de première ligne". Il est également possible d’adapter la date de clôture de la facture pour la téléphonie mobile, pas encore pour la téléphonie fixe et internet: "Une facturation à date unique d’une large partie de la base de clientèle aurait des conséquences opérationnelles importantes".


Et en cas de litige ?

Si toutefois vous vous opposez aux frais de rappel demandés, le SPF Economie conseille, dans un premier temps, de contacter l’entreprise par courrier recommandé pour trouver une solution à l’amiable. "Si cela n'est pas concluant, le consommateur peut faire appel au Service de Médiation pour le Consommateur et introduire une plainte auprès de l'Inspection économique. Celle-ci ne règle pas les cas individuels mais peut enquêter pour voir si des pratiques commerciales sont illégales et peut prendre des mesures pour les faire cesser".


Si vous ne payez pas: qu'est-ce qui se passe?

ELECTRABEL

A la première facture qui reste impayée, après plus ou moins trois semaines, Electrabel envoie un premier rappel qui est gratuit. Lors du 2e rappel, nous comptons un montant. En 2015, il s’élève à 5,73€, pour la deuxième lettre de rappel c’est 14,31€. Enfin, une mise en demeure est envoyée 15 jours après l’envoi de ce rappel.

Société wallonne des Eaux (SWDE)
L’échéance des factures de la Société wallonne des Eaux est fixée à 15 jours. Si le client ne paie pas dans ce délai, la SWDE lui adresse un rappel (coût : 4,72 €). Si la facture reste encore impayée, elle envoie une mise en demeure (coût : 10,00 €).

PROXIMUS
Pour ce qui est de l'abonnement mobile, le client recevra d'abord un sms indiquant que la facture vient à échéance. Les clients titulaires d'un abonnement de téléphonie fixe (téléphone et internet) recevront un premier rappel de paiement gratuit 7 jours après la date d'échéance. Une fois ces seuils franchis, ou en cas de répétition du comportement de non-paiement, PRoximus envoie un 2ème rappel, cette fois assorti d’un coût unique de 13€. "En cas de continuité dans l’absence de réaction, Proximus devra malheureusement procéder à une coupure de son service dans les quelques jours suivants. Pour les clients titulaire d’un abonnement de téléphonie fixe (voix ou internet), une tentative de contact téléphonique proactive précédera cette action. Le client mobile se voit lui converti en client "pré-payé" afin de ne pas se voir imposé une rupture brutale de sa téléphonie", précise la porte-parole.


Deborah Van Thournout


 

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